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[JIACO] Souvenir d'Yvoux

A Yvoux, l'heure du goûter était sacrée et je crois me rappeler que c'était sans doute mon repas préféré. Au menu 3 tartines de bon pain beurré et par dessus, un rituel immuable : la première avec de la confiture de fraise, la deuxième saupoudrée de sucre et la dernière décorée de chocolat râpé (comme toi Framboise !). Pour accompagner le tout : un grand verre de lait (le lait fut longtemps ma boisson de table, et encore maintenant, je bois volontiers du lait, chaud ou froid, de préférence entier et frais).

Je me souviens de beaucoup d'autres choses.

Le tableau qui me faisait face à table m'hypnotisait. C'était une sorte d'aquarelle dans des tons inhabituels : "Aux Feux du jour naissant" était le titre du dessin qui représentait un lever de Soleil derrière une forêt maladroite.


Dans la froide salle à manger, une horloge comtoise comptait toutes les heures, sans relâche, même la nuit. Je craignais plus que tout cette voix de balancier lugubre, et je m'arrangeais pour ne jamais m'aventurer seule dans cette pièce imposante où trônait le pendule. Je devais m'imaginer que quelqu'un était dedans, tapi tout petit, un gnome malicieux encastré dans le mécanisme, ou n'importe qui d'autre d'étrange. En un mot, je n'étais pas rassurée.

Je me souviens du "tub" de l'épicier qui passait plusieurs fois par semaine pour le ravitaillement, il s'annonçait avec son concert de klaxon et je hurlais : "voilà le camion !".

L'auvent s'ouvrait à l'arrière, c'était comme pour le théâtre de guignol. Mais en moins effrayant (j'ai toujours eu peur des spectacles de marionnettes, mais ceci est une autre histoire) car je savais que j'allais avoir une plaque de chocolat au lait, il me tardait de découvrir quelle serait l'étiquette "cadeau" qu'il y avait à l'intérieur. J'étais très déçue si j'avais un double !

Je me souviens du bûcher qui était ma salle de jeux préférée. C'était une remise de plain-pied côté jardin et qui se trouvait au premier étage côté rue. Il y avait là des bûches, bien entendu, mais aussi toutes sortes de vieilleries, jouets, meubles dépareillés, livres abandonnés dans un coin surélevé comme un plateau que j'appelais pompeusement mon "petit théâtre". J'ai passé des heures à vouloir le déblayer pour me faire de la place et y jouer. En vain car il y avait trop de bric-à-brac que je ne savais pas déplacer !!! J'ai fini par jouer devant, je jouais à la vendeuse de bûches (hé hé pratique...). J'avais dessiné un cadran téléphonique sur l'une d'elles pour recevoir les commandes et j'inscrivais mes ventes sur un registre de comptes aux pages un peu moisies récupéré dans mon attirail.

Parfois j'entendais des enfants chanter sous la fenêtre qui donnait sur la rue et je stoppais toute activité. Ils venaient de la colonie de vacances voisine et paraissaient si dégourdis à côté de moi si maladroite que je me cachais d'eux. J'avais trop peur qu'ils ne se moquent de la petite sauvage que je croyais être. Alors je les observais au travers des volets entrebâillés, j'avais le coeur qui battait à tout rompre, le défi étant qu'ils ne relèvent surtout pas les yeux. Et ils passaient l'air de rien et continuaient à chanter à tue-tête :

Nous aimons vivre au fond des bois, aller coucher sur la dure,
La forêt nous dit de ses mille voix : "Lance toi dans la grande aventure" (bis),

Nous aimons vivre sur nos chevaux dans les plaines du Caucase,
Emportés par de rapides galops, nous allons plus vite que Pégase. (bis)

Nous aimons vivre auprès du feu, et danser sous les étoiles,
La nuit claire nous dit de ses mille feux : "Soit joyeux quand le ciel est sans voile". (bis)

Que de souvenirs !

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